Une ardente et active collaboratrice de Pro Belgica nous a quittés. Nadine Rochette était une patriote convaincue, toujours prête à rendre service : tantôt comme porte-drapeau, tantôt comme collectrice de lots de tombola, tantôt comme bénévole au stand de Pro Belgica le 21 juillet, tantôt rédactrice pour le trimestriel Pro Belgica.
Nadine, 57 ans, était d'une générosité extrême et d'un dévouement inégalable, toujours prête à servir. Son totem chez les guides pluralistes était "Bongo je suis là!"
La présidente, les administrateurs et l'autre porte-drapeau tiennent à lui rendre hommage au nom de l'asbl en publiant ci-dessous, l'émouvant article qu'elle rédigea pour le numéro 4/2010 du Pro Belgica, après sa participation comme porte-drapeau aux cérémonies de Breendonk en septembre 2010.
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2010 : commémoration au Fort de Breendonk
Aussi grande que puisse être l'âme humaine,
Aussi "diabolique", en un instant, peut-elle devenir !
"Breendonk", un site historique et inoubliable, sur notre territoire, notre Belgique. J'en avais souvent entendu parler, mais entre les paroles et la perception visuelle, que je découvre : un univers impossible se dévoile pas après pas. D'abord, les barbelés, la guérite, j'aperçois un panneau, où il est demandé de respecter ce lieu. Déjà je me sens si petite. J'entends les cris des Allemands, l'aboiement des chiens, le groupe de prisonniers que l'on amène, leurs pas lourds, le dos courbé blessé dans leurs chairs et leurs âmes, les hurlements du commandant SS Smitt...
D'autre part, le regroupement des différents drapeaux me rappelle que chacun d'eux est le souvenir, vivant, d'hommes pleins de rêves voulant sauver notre pays et qui ont connu : le froid, la faim, la solitude morale et la torture physique, le mépris, la haine, et certains même ont fait le sacrifice de leur vie pour anéantir le nazisme.
Aujourd'hui, le temps est gris et il pleut ! Au moment de traverser le pont, j'ai un malaise intérieur, je pénètre dans un lieu signé l'enfer. La perte de son identité, de l'humanité, la naissance de la souffrance jusqu'à l'aboutissement de la vie. Il n'y avait pas, à ce moment-là, de différences sociales, religieuses, philosophiques et surtout linguistiques : tous unis pour arrêter le nazisme.
Malheureusement, comme dans tout conflit, tandis que les uns s'unissaient (et ici notre devise est tout à fait justifiée), d'autres s'allièrent à l'ennemi et ce fut pour beaucoup de prisonniers la plus terrible blessure morale : "un Belge trahissant et maltraitant un autre Belge "... En pénétrant dans le fort, les murs me glacèrent et surtout, la vision des poteaux d'exécution, me figèrent un moment sur place. Comme paralysée, je ne parvenais plus à en détacher mon regard : e s t - ce po s s i b le ??? En arrivant sur le lieu des commémorations, je découvre le cénotaphe, entouré d'élèves de l'Ecole Royale Militaire en grand apparat, c'était vraiment émouvant !
Je savais que la flamme venait du Soldat Inconnu, ce qui renforça mon émotion, mais l'apogée apparut au moment où l'on nomma un par un et décora les survivants du camp. Je ne pourrai jamais traduire l'immense respect que je ressentais envers ces hommes et ces femmes ! Les témoins vivants de ce site où la mort suinte de toute part :
- l'herbe où vous marchez, qui a aspiré les traces ensanglantées
- les vestiges des murs du fort qui sont remplis de cris
- les poteaux d'exécution qui ont retenu les derniers battements de cœur.
Et ce silence qui vous déchire les tympans !
Ce qui me plongea dans un immense chagrin, c'est la phrase prononcée en cours de cérémonie, et qui en quelques mots, sema en moi un terrible doute ; l'annonce que cette cérémonie serait peut-être la dernière ! D'abord, j'ai cru mal comprendre, un moment de réflexion me ramena à la réalité du temps présent : La question du séparatisme ? Bien sûr ! C'est impossible - Cela ne peut être ! Nous sommes Belges avant tout et notre devise est si belle " l'Union fait la force ". Quelle merveilleuse devise et d'une réalité prouvée.
En tant qu'être humain, nous avons tous les mêmes besoins, nous rêvons tous d’une vie heureuse, paisible, la plus aisée possible. Personne n'aime les conflits, nous sommes en quête de bonheur constant, et notre sang est toujours rouge. Nous ne pouvons être des frères ennemis car nous nous affaiblirions, mais bien évidemment, il nous faut être à l'écoute de l'autre, échanger nos aspirations mutuelles. D'autre part "on ne peut se séparer de son passé sans se mutiler".
Je pense donc que si nous pouvons tolérer que l'autre s'épanche sur nous, nous pouvons ensemble construire un avenir positif en évitant de refaire les mêmes erreurs.... Ce serait tellement mieux pour tous.
Pendant ce temps, la nomination individuelle de tous ces héros continuait ; ensuite, chaque représentant déposait les couronnes en mémoire des morts sacrifiés pour la Belgique. Régulièrement, de très gros nuages gris pleuraient sur le site, l'humidité me faisait frissonner et, honteuse, je me redressais en regardant le ciel et tentais de lui dire que notre sensation de froid était bien ridicule à côté de ce qu'avaient souffert au même endroit, nos anciens.
La cérémonie se termina par "le Chant du Marais", le "Chant des Martyrs de Breendonk" et le "Chant des Partisans", hymne de la Résistance. Enfin, l'espérance "l'Hymne à la Joie" des Européens.
Cette partie m'interpella plus encore. Ne dit-on pas que les états d'âme sont révélés à travers la musique et les chansons, donc si pleines de tristesse elles peuvent être gorgées, si pleines d'espérance sont-elles gonflées.... Au moment du départ, je me sentais hésitante ; d'abord partagée entre le sentiment d'abandonner le chuchotement plaintif qui émanait du site et de vouloir panser les plaies douloureuses de ceux qui vivaient là pour l'éternité ; et d'autre part l'envie de leur hurler un merci qui ne s'arrêterait pas. La réalité me ramena dans le temps présent, car il fallait nous ranger pour partir en défilant devant les tribunes.
Cette commémoration m'apporta beaucoup de réflexions enrichissantes dans l'espoir de me conforter davantage lorsque, passant devant une tribune j'entendis : "vive la Belgique - vive Pro Belgica" !
Un instant, un sourire illumina mon visage mais, déjà nous emboîtions le pas qui nous menait vers la sortie.
Troublée par ces multiples émotions, d'un pas décidé mais très émue (j'étais devenue indifférente à la pluie...), en repassant devant "le wagon" - dernier vestige matériel de ce temps maudit, je marque un dernier arrêt ; à ce moment-là, j'entends une voix derrière moi, dire : "..... si tu savais ce que j'en ai vu dans ces wagons... - de ces wagons...".
Je n'ai pas osé me retourner, j'étais gênée ! Je savais que "ce monsieur" était un rescapé des camps de la mort.
Je courbais donc la tête et, timidement, je poursuivis le chemin vers la sortie.
Nadine ROCHETTE
Porte-drapeau de Pro Belgica ce jour-là
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