Le 18 novembre 1830, peu après le début de la Révolution belge, l’indépendance est proclamée officiellement, même si celle-ci est effective depuis le 4 octobre 1830. A cette date un Congrès National avait déjà été mis en place, à la tête duquel fut placé, après trois tours de scrutins, le baron Erasme-Louis Surlet de Chockier.
Le 19 novembre, 173 suffrages se portent en faveur d’une monarchie alors que seulement 17 voix se sont élevées pour une république. Cette monarchie sera constitutionnelle, représentative, avec un chef héréditaire, et dont sera exclu perpétuellement tout membre de la Maison de Nassau, précédente puissance qui gouverna la Belgique de 1815 à 1830.
A une monarchie, il faut un roi. Dans ce cas-ci, c’est le Congrès National qui se prononcera par voix de vote pour élire le souverain. Mais la personne qui serait choisie devrait également répondre à l’assentiment des grandes puissances.
Différentes familles nobles étaient bien ancrées dans la Belgique, et certains de leurs représentants s’étaient d’ailleurs illustrés durant la Révolution. L’une des plus illustres et qui avait donné deux figures aux événements de septembre 1830 était la famille de Merode, avec les comtes Félix et Frédéric, dont le dernier avait été blessé mortellement aux combats. Néanmoins, ces familles nobles n’appartenaient pas à des familles souveraines et les puissances s’étaient exprimées sur le fait qu’elles verraient un tel acte avec autant de déplaisir que l’avènement d’une république.
Le nom du duc Auguste de Leuchtenberg (1810-1835) circula en janvier 1831. Il était le fils d’Eugène de Beauharnais, fils adoptif de l’empereur Napoléon, et de la princesse Augusta de Bavière. La France était opposée à cette candidature déposée par le baron de Stassart, qui, à l’heure de la Restauration rappelait le souvenir de l’épopée impériale.
Face à la candidature de Leuchtenberg, se profila avec plus de chances celle du prince Louis d’Orléans (1814-1896), duc de Nemours, fils du roi Louis-Philippe Ier des Français. Cette candidature trouvait un certain soutien au sein de l’opinion publique, mais certains députés ainsi que les puissances voyaient d’un mauvais œil que le jeune fils du roi de France hérite d’un nouvel État qu’il aurait été très facile pour la France d’annexer. Louis-Philippe était par ailleurs très conscient de la réticence des puissances, avec en tête le Royaume-Uni. La candidature est tout de même déposée par 52 membres du Congrès.
Un premier scrutin eut lieu le 3 février 1831 opposant le duc de Nemours, le duc de Leuchtenberg et l’archiduc Charles-Louis d’Autriche (1771-1847). Ce dernier était le fils de l’empereur Léopold II d’Autriche et avait l’avantage d’être le dernier gouverneur général des Pays-Bas autrichiens.
Au premier tour, sur 191 votants, 89 voix allèrent au duc de Nemours, 67 au duc de Leuchtenberg et 35 échurent à l’archiduc. La majorité absolue exigée étant de 96, les résultats imposaient un deuxième tour. Celui-ci fut réalisé avec 192 votants, déplaçant la majorité absolue de 96 à 97 voix. Les résultats étaient les suivants : 97 pour Nemours, 74 pour Leuchtenberg et 21 pour Charles-Louis. Le fils du roi des Français fut donc élu roi des Belges et une délégation belge fut envoyée en direction de Paris pour offrir officiellement la couronne au jeune prince.
Durant ce temps, des négociations eurent lieu entre le Royaume-Uni et la France, en la personne de Talleyrand. La France était consciente qu’accepter le trône belge pourrait nuire à la paix européenne, dès lors un accord fut conclu de manière que la puissance britannique rejette également la candidature bonapartiste de Leuchtenberg. Le 17 février 1831, le roi Louis-Philippe Ier refuse donc la couronne au nom de son fils, devant la délégation belge, au Palais-Royal.
Tout était à refaire. D’autres noms, moins plébiscités, avaient bien circulé : le prince Ferdinand de Savoie (1822-1855), duc de Gênes, fils de Charles-Albert de Savoie (futur roi de Sardaigne) ; le prince Charles-Ferdinand de Bourbon des Deux-Siciles (1811-1862), prince de Capoue, fils du roi François Ier des Deux-Siciles ; le prince Jean de Saxe (1801-1873), fils de Maximilien de Saxe et qui régnera de 1854 à 1873 sur la Saxe ; ainsi que le prince Othon de Bavière (1815-1867), fils du roi Louis Ier de Bavière et qui deviendra en 1833 le premier roi de la Grèce moderne.
Finalement ce sont les candidatures de Charles-Ferdinand de Bourbon des Deux-Siciles, du prince Jean de Saxe et du prince Othon de Bavière qui sont réexaminées.
Charles-Ferdinand, candidature du ministre de France à Bruxelles, est soutenu par la France du bout des lèvres : il est le neveu de la reine Marie-Amélie, née princesse de Bourbon des Deux-Siciles, mais il est également l’oncle du comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France. Mais de toute façon, la candidature a peu de chance d’aboutir car la Maison auquel le prince appartient est considérée alors comme l’une des plus réactionnaires d’Europe. Le prince Othon, lui, convient à l’Allemagne ainsi qu’au Royaume-Uni. Officieusement, il s’agit également de la carte du roi Louis-Philippe qui voit déjà une alliance matrimoniale entre ce prince bavarois et une de ses filles. Mais l’opinion publique n’apprécie pas ce choix.
Dans cette confusion, le prince Frédéric d’Orange-Nassau (1797-1881), second fils du roi Guillaume Ier des Pays-Bas, fait savoir qu’il est prêt à ceindre la couronne belge. Ce prince avait commandé les troupes envoyées par son père à Bruxelles pour calmer les insurgés. La candidature fut même déposée par le député d’Ostende et fit grand bruit au sein du gouvernement provisoire.
Dans cette cacophonie, M. Paul Delvaux évoque pour la première fois la personne de Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha et rappelle ensuite celle du duc de Leuchtenberg dont ce dernier se désiste de son propre chef.
Peu à peu, les partisans du prince d’Orange augmentèrent, et on avait déjà eu à réprimer une conspiration orangiste à Gand. Dès lors le 23 février 1831, le Congrès, avec 112 voix pour et 12 voix contre, installe une régence provisoire. Elle est dévolue au baron Surlet de Chockier, un libéral, élu avec 108 suffrages sur un total de 157, qui était face au comte Félix de Merode.
La candidature du prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha apparaît alors comme celle apportant le plus de garanties. Candidat avancé par le Royaume-Uni, il convient à la Russie, à l’Autriche, à la Prusse et Talleyrand a défendu sa personne au près de Louis-Philippe. Le 20 avril une mission belge, composée de 4 membres du Congrès, est envoyée à Londres à la rencontre du prétendant. Lors d’une entrevue à Marlborough House, Léopold et le baron Stockmar, un fidèle, reçoivent la délégation. Le prince anglo-allemand semble accepter l’offre qui lui est faite mais demande que la question des frontières soit réglée comme celle de la dette.
Il déclarait alors : « Pour que mon élection soit possible, et qu’elle soit utile à votre cause, il faut qu’elle emporte la solution de vos difficultés territoriales et financières ; il faut que la Belgique et son roi puissent être reconnus par l’Europe. Je ne saurais accepter la souveraineté d’un État dont le territoire serait contesté par toutes les puissances ; ce serait, sans profit pour vous, me constituer, en mettant le pied sur le sol belge, en hostilité avec tout le monde.
Toute mon ambition est de faire le bonheur de mes semblables. Dès ma jeunesse, je me suis trouvé dans des positions si singulières et si difficiles, que j’ai appris à ne considérer le pouvoir que sous un point de vue philosophique ; je ne l’ai désiré que pour faire le bien, et un bien qui reste. Si certaines difficultés politiques, qui me semblaient s’opposer à l’indépendance de la Grèce, n’avaient surgi, je me trouverais maintenant dans ce pays ; et cependant je me dissimulais pas quels auraient été les embarras de ma position. Je sens combien il est désirable pour la Belgique d’avoir un chef le plus tôt possible ; la pais de l’Europe y est même intéressée. »
Le 4 juin 1831, Léopold est élu roi des Belges avec 152 voix pour et 43 voix contre. Alors qu’une délégation, avec à sa tête Adrien de Gerlache, est chargée de remettre le décret d’élection au prince à Londres, Devaux et Nothomb négocient à la Conférence de Londres quant aux limites géographiques du nouvel État, aboutissant à la conclusion le 9 juillet du traité des XVIII articles.
Le 16 juillet, Léopold est informé de la précédente adoption à la Conférence qui correspond à ses attentes. Il embarque donc le jour même vers Calais, accompagné de Jules Van Praet, qui deviendra l’un des plus proches collaborateurs du roi, de son aide de camp sir Henry Seton (qui retournera par lui suite au Royaume-Uni) et de dix serviteurs. Il pose son pied sur le sol belge le 17 juillet à La Panne et passe ensuite par les villes de Furnes, Ostende, Bruges, Gand et Alost.
Le 19 juillet 1831, le presque roi Léopold rentre à Bruxelles à 22h30. Il est reçu par le régent, son gouvernement et les membres du Congrès. La prochaine étape se déroulera le 21 juillet, où Léopold prêtera serment et deviendra le premier roi du royaume de Belgique.
Valentin Dupont
Membre de Pro Belgica
Webmaster de Pro Belgica Hainaut
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